Engagement des salariés : de l’utilisation d’internet et du présentéisme en question

Alors que près de deux actifs sur trois utilisent régulièrement les NTIC (Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication) dans leur vie professionnelle, l’usage des NTIC n’est pas encore très connu, ni l’impact que cela peut avoir sur la structuration de l’activité travail. Pourtant, de nombreux ouvrages existent et peuvent être mis dans les mains des Directions Générales et des Directions de Ressources Humaines, Institutions Représentatives du Personnel, pour affiner leurs décisions de management…

Ce qui est certain, c’est que si l’on regarde point par point les conséquences de ces nouveaux outils, plusieurs tendances s’affirment : augmentation du rythme et de l’intensité du travail, affaiblissement des relations interpersonnelles, renforcement du contrôle de l’activité, brouillage des frontières spatiales et temporelles entre travail et hors-travail et aussi, surcharge informationnelle. J’ai déjà pu commencer à montrer le lien qu’il y avait entre santé et utilisation des NTIC, mais une approche complémentaire du thème est intéressante à entrevoir : le lien qu’il y a entre utilisation des NTIC au travail et la nature de l’engagement des salariés dans ce même travail.

UNE PERTE DE 10,2% DE PRODUCTIVITE PAR L’UTILISATION D’INTERNET AU TRAVAIL

A l’heure où de nombreux articles parlent de présentéisme, nous pouvons aussi observer que 44% du temps passé sur l’internet au bureau est à des fins personnelles, soit 50 mTIC perte de productivitéinutes par jour et par employé. Et que l’usage d’internet représenterait une perte de productivité de 10,2%, pour un coût moyen de 6 652 € par salarié et par an… En France, les 2 premiers sites visités sont Facebook et Youtube… [source étude OLFEO 2015]. Les enjeux de ces usages sont multiples et fortement impactants en termes de pertes économiques :

  • Perte de productivité majeure,
  • Incidence sur la sécurité des Systèmes Informatiques ce qui entraine la non disponibilité de ceux-ci voire des inconvénients majeurs en termes de réparations suite à des intrusions malveillantes,
  • Problématiques juridiques suite à des propos diffamatoires ou des pertes de secrets industriels,
  • Perte de la bande passante suite à des utilisations non professionnelles, entrainant une perte de temps pour ceux qui ont besoin de celle-ci pour l’utilisation de logiciels métiers,
  • Perte de crédibilité et de notoriété, et donc de chiffre d’affaire direct ou indirect, suite à une e-réputation entachée.

Cet usage non approprié de la ressource Internet au sein du temps de travail est donc un enjeu majeur ! Mais alors que faire ? Couper l’accès aux salariés ? Même si cela était possible, cela devient de moins en moins viable, ne serait-ce que parce que dans notre économie où le numérique détient une place centrale, une bonne partie de l’accessibilité au savoir se fait à travers Internet…

Et si finalement, l’usage non approprié de cette ressource n’était pas une cause du présentéisme, mais un traceur de celui-ci ? Une conséquence en quelque sorte d’un désengagement et d’une perte de motivation ou de centrage de l’activité réalisée au sein de son organisation de travail ? Car en réalité, si un employé choisi de passer une partie de son temps sur Internet de façon non appropriée c’est soit qu’il en a le temps (ne sous-estimons pas les organisations de travail qui sous emploient les compétences de leurs salariés), soit qu’il prend ce temps car il est plus utile ou plus « serein » pour lui que les activités qu’on lui demande.

De façon pragmatique, quelques recommandations simples qui peuvent être suivies

 [source : centre national d’analyse stratégique – rapports et document N°49 – La documentation française]

  • Considérer les technologies de l’information et de la communication comme un outil d’aide au travail pour les salariés,
  • Mettre en place des dispositifs permettant de réguler l’usage des NTIC au sein des organisations de travail,
  • Mettre en place un groupe de travail interdisciplinaire et interinstitutionnel pour suivre l’évolution des usages des NTIC au sein du travail,
  • Intégrer systématiquement les utilisateurs des NTIC et les DRH dans la définition et la mise en œuvre des projets,
  • Renforcer l’accompagnement des salariés face aux évolutions du système d’information,
  • Renforcer l’effort des organisations de travail en matière de formation continue concernant les NTIC,
  • Mettre en place un groupe de travail interdisciplinaire et interinstitutionnel de suivi des usages professionnels des NTIC,
  • Faire travailler conjointement les utilisateurs directs des NTIC et les Directions des Ressources Humaines lorsqu’un nouveau projet doit être défini ou mis en œuvre.

Quand on regarde l’impact des NTIC sur le fonctionnement de l’activité travail, que ce soit sous l’angle de la performance économique, de la performance sociale ou de la santé, il advient alors qu’il est indispensable de prendre en compte cette dimension dans tout plan de prévision santé ou tout plan d’optimisation des coûts… Et pourtant rares sont ceux qui en tiennent compte… Et dans combien de Document Unique cette notion est-elle inscrite avec de réelles mesures de prévention prises en compte de façon pragmatique et sérieuse ? Une véritable conscience d’un management par l’efficience durable devrait nous pousser dans ces réflexions afin d’aligner performance et pratiques managériales cohérentes, car ce serait là en réalité faire preuve d’un véritable leadership…

Pour apporter un éclairage complémentaire, voici la conclusion du rapport du centre d’analyse stratégique sur l’impact des NTIC sur les conditions de travail :

« Les bouleversements que provoquent les NTIC dans le monde professionnel se répercutent sur les conditions de travail par des effets nombreux, divers et d’intensité variable. Ils résultent en particulier de l’association étroite de ces technologies aux choix organisationnels, les TIC jouant alors parfois un rôle catalyseur. Elles peuvent donc être tout aussi bien associées à des améliorations importantes des conditions de travail qu’à des dégradations préoccupantes sur lesquelles le rapport attire l’attention. Les risques associés aux usages professionnels des TIC sont avant tout psychosociaux. Y sont particulièrement exposés certains domaines, dont les organisations néo-tayloriennes fortement outillées par des TIC et qui cumulent l’intensification du travail, la réduction de l’autonomie et l’affaiblissement du collectif. Plusieurs centaines de milliers de personnes travaillent actuellement dans de tels contextes, qui nécessitent une vigilance renforcée. Les TIC vont également continuer à jouer un rôle important dans l’autonomisation de nombreux salariés, notamment les cadres, tout en modifiant leurs habitudes de travail. Les caractéristiques très évolutives de ces outils, mêlant sphère professionnelle et sphère privée, se prêtent mal à la régulation des usages professionnels par les outils normatifs traditionnels. Pour autant, il est nécessaire que les organisations parviennent à élaborer des modes d’encadrement des risques afin de les réduire. L’analyse partagée des usages dans chaque entreprise apparaît à cet égard comme une étape importante pour parvenir à faire des TIC des outils d’aide au travail. »

Des expériences réussies de digital detox au travail, pour un meilleur engagement collaboratif….

De nombreuses expériences de non utilisation de mails ou d’internet ont été réalisées par certaines entreprises. Chacune selon son tempo, elles « coupent » littéralement les accès, tantôt un jour par mois ou par semaine, tantôt le week-end ou à partir d’une certaine heure de la semaine. Une expérience notoire et remarquable est celle conduite par Atos en 2011 avec son programme 0 email. «Notre nouveau style de management collaboratif consiste avant tout à stimuler des Communautés qui travaillent librement, partagent les savoirs, accélèrent la productivité et renforcent le lien social», évoque un porte-parole d’Atos. L’entreprise a mis en place en parallèle un programme de coaching avec des sessions de formations et des ateliers collectifs sur des thèmes comme «comment faciliter le partage de connaissances». Après quatre années d’existence du programme, Atos affirme avoir réduit de 70% le volume d’e-mails interne. Sur la route de l’efficience durable, voilà des expériences dont beaucoup de nos organisations devraient s’inspirer.

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