Anciens compagnons et nouveaux pauvres: Emmaüs au coeur des tensions entre générations de travailleurs

Joël Ambroisine, Université Paris III – Sorbonne nouvelle

Le mouvement associatif Emmaüs a la mission d’accueillir les populations en situation d’exclusion. En échange de l’hébergement, ces travailleurs pauvres, appelés les compagnons d’Emmaüs, pratiquent la valorisation des objets de seconde main et des déchets d’équipements électriques et électroniques. Malgré leur participation au développement de la Communauté, les compagnons sont considérés comme étant au bas de la hiérarchie, devancés par les salariés et les bénévoles. Au-delà de cet aspect, des tensions existent entre les compagnons eux-mêmes. Les nouveaux pauvres n’ont en effet pas expérimenté le même type de parcours que les plus anciens et, en fonction du moment de leur entrée dans la Communauté, de leur formation et de leur profil, leurs attentes sont très dissemblables. C’est ce que révèle une enquête effectuée au sein des Communautés par l’auteur de l’article qui s’est immergé dans plusieurs postes occupés par les compagnons. En ayant une compréhension globale du fonctionnement de la Communauté et grâce à l’analyse des conditions de travail, il montre comment se cristallisent les conflits générationnels entre anciens et nouveaux.

À l’heure où la solidarité intergénérationnelle est promue par certaines institutions 1, cet article traite d’une forme d’entrepreneuriat collectif originale. Les Entreprises Sociales d’Insertion (ESI) ont fait   de la participation au travail et de l’insertion professionnelle de personnes en risque d’exclusion un modèle économique (Defourny J., Gregoire O, Davister C., 2004).

Parmi ces ESI, Emmaüs est un mouvement associatif créé en France en 1949 par l’Abbé Pierre (voir encadré 1). Comme d’autres entreprises, les communautés Emmaüs font face à des enjeux sociaux   et organisationnels : la participation des travailleurs seniors et le risque de conflits intergénérationnels, la santé et les conditions de travail (notamment les maladies chroniques et les addictions), la performance et la soutenabilité du travail. Avec l’évolution du marché du travail et l’exclusion de nouveaux types d’individus, des générations différentes de travailleurs pauvres expérimentent au   sein des Communautés des parcours extrêmement dissemblables en fonction du moment de leur entrée dans la Communauté, de leur formation et de leur profil d’exclus (senior au chômage, femme avec enfants à charge, immigré, etc.).

Comment ces différences générationnelles qui ne relèvent pas uniquement du prisme de l’âge sont-elles conditionnées par l’expérience vécue par ces travailleurs pauvres ? L’expérience vécue façonne le comportement de ceux-ci et les réponses qu’ils peuvent développer dans un contexte marqué non seulement par l’exercice d’un travail mais aussi par celle de leur sortie éventuelle de l’exclusion.

Notre démarche repose sur une enquête qualitative par observation participante sur le terrain des Communautés d’Emmaüs et par une analyse comparative entre trois pays (France, Espagne Royaume-Uni). Nous avons vécu et effectué des missions volontaires de deux semaines dans chacune de ces communautés en Europe : les Communautés du Plessis-Trévise et de Dunkerque en France, les Communautés de Murcia, de Navarra, de Sabadell et la Fondation sociale Emmaüs de San Sébastian en Espagne, les Communautés de Cambridge et de Colchester au Royaume-Uni. Cette enquête repose tout d’abord sur notre engagement personnel dans plusieurs postes occupés par les compagnons. Cette expérience nous donne accès à la diversité des activités et nous permet d’en analyser les conditions de travail : la livraison et la récupération des meubles, la vente dans les boutiques et dans les entrepôts, le rangement et la manutention dans les entrepôts, le recyclage et le traitement des déchets d’équipements électriques et électroniques, l’accueil téléphonique et la cuisine. Cette observation s’accompagne de la tenue d’un carnet de bord quotidien afin de noter des informations supplémentaires (anecdotes, division des tâches, respect des règles de sécurité et de santé au travail, appréciation sur la difficulté des tâches, vie en communauté, etc.). De plus, nous avons réalisé une soixantaine d’entretiens formels semi-directifs en face à face ou en groupe (notamment dans le cas d’entretiens avec l’ensemble des responsables d’ateliers ou des moniteurs éducateurs) ainsi que de nombreux entretiens informels. Nous avons interrogé les employés salariés, directeurs, travailleurs sociaux, les responsables d’ateliers, moniteurs éducateurs, les psychologues, personnels encadrants, ou les simples employés ; les bénévoles, présidents d’associations, ou simples bénévoles ; et enfin les compagnons hommes et femmes. Un protocole d’entretien identique a été utilisé qui portait sur les identités et les parcours personnels, les relations au sein de la Communauté, les conditions de travail, l’organisation communautaire et la représentativité.

Les compagnons d’Emmaüs, une entreprise d’insertion, un lieu de vie et de travail.

Emmaüs est né en 1949 de la rencontre de l’Abbé Pierre, son fondateur, avec un désespéré suicidaire, Georges Legay, le premier des compagnons. Au lieu de l’aider, l’Abbé Pierre lui demande de l’aider à aider les autres, ” servir premier le plus souffrant ”. Ce mouvement a     créé les Communautés d’Emmaüs, comme un lieu de vie, de solidarité, d’accueil, et de travail. Celles-ci pratiquent une activité de valorisation des déchets et d’objets de seconde   main, ainsi que l’hébergement et l’insertion de populations exclues. Une singularité de cette approche est que les bénéficiaires de l’aide communautaire sont les principaux travailleurs : ce sont les compagnons (ou chiffonniers) d’Emmaüs. D’ailleurs, l’idéologie d’Emmaüs considère que la participation des compagnons favorise leur resocialisation : ” le travail rend la dignité ” (Emmaüs France, 2012). Cependant, les compagnons en tant que principaux travailleurs ne sont pas forcément les premiers bénéficiaires de leur activité. En effet, l’un des quatre piliers   de la vie communautaire est la solidarité envers les plus nécessiteux : une part importante       des ressources produites par les compagnons est notamment réinvestie dans des projets de solidarité internationale. Ces ressources, obtenues par le travail des compagnons, selon certains d’entre eux, pourraient être investies dans des projets locaux d’insertion ou d’infrastructure. Enfin, l’organisation du travail communautaire repose sur un principe dit de trépied où collaborent des salariés, des bénévoles et les compagnons. Ce modèle structure les interactions entre les acteurs mais il n’est pas considéré par tous comme forcément équitable. Chaque partie prenante occupe une fonction : les compagnons sont une force productive, les salariés ont une fonction d’encadrement et de gestion, les bénévoles ont une fonction décisionnaire. Les compagnons     ont un statut mal défini entre bénéficiaire et travailleur tandis que leur travail assure la pérennité économique des communautés. En 2012, il existait 337 groupes, répartis dans 37 pays, dont 260 groupes dans 16 pays européens.

LES COMMUNAUTÉS EMMAÜS : DES LIEUX DE TRAVAIL COMME LES AUTRES ?

  • Les relations de travail

 Les relations de travail dans les Communautés Emmaüs reposent sur un trépied : le compagnon produit, le salarié encadre et gère, le bénévole décide. De plus, les Communautés, selon les pays, ont des méthodes de management distinctes (voir encadré 2). En France, le pouvoir est réparti entre le président bénévole et deux co-responsables salariés, afin de distinguer les fonctions associatives et marchandes. En Espagne, les Communautés évoluent vers des modèles plus marchands, les anciens fondateurs deviennent les directeurs d’entreprises sociales Emmaüs. Enfin, en Angleterre, la direction s’organise autour de deux postes : l’activité économique et l’activité sociale et communautaire.

  • Les politiques salariales

 Au-delà des stratégies d’encadrement, l’efficacité économique des Communautés repose sur des relations salariales singulières basées sur l’emploi de travailleurs à bas coûts et leur maintien dans   les structures communautaires. Le niveau de rémunération est un avantage compétitif. En France comme en Angleterre, un compagnon touche une indemnité appelée ” pécule” d’environ 49 hebdomadaire (soit 212,33 /mois), pour une semaine de 36h hebdomadaire, 2 ½ jours de repos par semaine (en France), et 40 heures (en Angleterre). La politique salariale des Communautés espagnoles est différente. La Communauté de Murcia applique une rémunération échelonnée selon   les étapes d’insertion. Cette répartition est un moyen incitatif. Ainsi, des compagnons pratiquent  les mêmes tâches et sont rémunérés différemment selon le groupe auquel ils appartiennent. Ces groupes sont définis en fonction des capacités physiques, des engagements pris par le bénéficiaire dans son parcours d’insertion (notamment pour ceux qui sont en désintoxication). Les individus du groupe A touchent un revenu de 512,46 euros/mois et travaillent 132heures mensuelles et plus. Ceux du groupe B touchent un revenu de 497,86 euros/mois et travaillent 132 heures mensuelles et plus. Le groupe C touche un revenu de 438 euros/mois et travaille 132 heures mensuelles et plus. Le groupe   D est le groupe des personnes sans contrat. Ces personnes touchent une allocation de 395,66 euros/ mois et travaillent 132 heures mensuelles et plus. Enfin, le dernier groupe E est constitué de ceux qui ont signé un contrat ” ordinaire” de travail avec l’association. Les individus en contrat d’insertion touchent un revenu de 763,20 euros/mois et travaillent les journées complètes et 40 heures par semaine (Ambroisine, 2010). D’un pays à l’autre, les possibilités pour les compagnons de discuter les règles organisationnelles sont limitées par leur statut de bénéficiaires et par leur parcours d’insertion. Ces limites sont à l’origine de nombreux conflits.

  • Des populations vieillissantes

 Selon les règles du mouvement, la Communauté accueille indistinctement et inconditionnellement tout individu et s’engage à fournir les meilleures conditions d’hébergement, d’hygiène, de même qu’un droit à la santé, à la sécurité sociale, à la retraite (Emmaüs France, 2010). Ainsi, certains compagnons décèdent dans la Communauté. À notre arrivée au Plessis, le responsable racontait que certains étaient décédés à la Communauté, d’autres étaient malades, d’autres encore s’étaient mariés (près de 17 mariages en 10 ans). Si, en général, le sentiment d’insécurité dans l’emploi est mesuré par la crainte de perdre celui-ci, à l’intérieur de la Communauté, il existe un phénomène de Dead-end jobs et de dépendances institutionnelles.

En France, les retraités étaient 237 dans les Communautés en 2005, soit 6% du total des compagnons (Emmaüs, France 2005). Dans le cas du Plessis-Trévise, les compagnons de plus de 51 ans représentent un total de 62% des communautaires : 44% de 51-60 ans et 18% de + 60 ans (Tableau 1).

Tableau 1 : Répartition des communautaires selon l’âge (Emmaüs le Plessis-Trévise)

Répartition par âge Total (individus)
– de 30 ans 4
Entre 31 et 50ans 9
+ de 51 ans 21

 Sources : Emmaüs Le Plessis-Trévise 2008

 Le vieillissement de l’effectif implique d’assurer financièrement et structurellement la retraite des compagnons, compte tenu de leurs pensions très modestes, alors que cela représente un ralentissement de l’activité.

  • Les parcours et les transmissions de savoirs

 Le niveau de productivité est corrélé avec l’âge et à certains risques sanitaires et psychosociaux provenant du profil des compagnons. De même, alors que dans une entreprise ordinaire, la présence d’anciens peut assurer la transmission des savoirs, ce phénomène est ici limité dans la mesure où les directives environnementales européennes ont transformé l’activité de chiffonniers. Les anciens sont donc dépassés par les nouvelles pratiques que les nouveaux ne maîtrisent pas non plus. Pourtant, il y a de plus en plus de jeunes qui frappent à la porte des Communautés : près de 500 demandes annuelles ne peuvent être satisfaites. Lors de notre enquête au Plessis-Trévise, Murielle, responsable stagiaire signalait que Sylvestre, 19 ans, arrivé en 2008, tardait dans ses démarches   pour intégrer un centre de formation. Cette co-responsable estimait qu’il ne fallait pas qu’il s’installe alors que le responsable, lui, estimait qu’il avait besoin de quelqu’un au tri des jouets. Il existe une tension entre certaines logiques d’actions : si la Communauté représente un hébergement pour les anciens sans-abris, elle ne convient pas nécessairement aux plus jeunes qui sont à la recherche de moyens de réinsertion et de formation (plusieurs compagnons l’ont signalé dans leurs entretiens).

Des Communautés aux fonctionnements différents selon les pays

Malgré une idéologie commune, les Communautés en Europe s’adaptent aux modèles sociaux (Esping Andersen, 1999) et aux marchés du travail locaux (Ambroisine, 2010). En France, il existe 116 communautés qui fonctionnent sans aucune subvention et grâce à l’activité de vente d’objets, de mobiliers de seconde main, et la revalorisation de matière première, notamment le textile et les déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE). Les Communautés comptent environ 4257 compagnons et compagnes (Emmaüs France, 2012). En 2012, les Communautés françaises ont récolté 121 millions d’euros de ressources.

En Espagne, Emaús España 2 a été créée en 1972. Les Communautés se sont développées selon des formes juridiques différentes. Par exemple, il existe la Fondation Traperos Emaús Navarra, le Groupe Emaús Fondation sociale à San Sebastian, l’association Traperos Emaús Murcia. La majorité s’est développée autour de la vente d’objets de seconde main, le traitement des DEEE et le recyclage (Pérez M.G, 2005, Ambroisine J., 2010).

Au Royaume-Uni, les Communautés sont soumises aux législations sur les Charities (Charities Act 2006) et aux Companies. La première Communauté britannique a été créée en 1992 à Cambridge. À ce jour, il existe vingt-deux Communautés et quatorze en cours de création (Emmaüs UK, 2012).

Si la Communauté est bien une ESI, apparaissant comme une structure-tremplin pour la réinsertion d’un jeune actif, l’entreprise ” en soi ” a besoin de jeunes travailleurs pour favoriser le développement de l’activité, notamment à cause de l’intensité de certaines tâches — livraison et de récupération — qui nécessitent de déplacer du mobilier parfois ancien et donc lourd. Il y a donc un conflit potentiel entre l’objectif de réinsertion et la nécessité de faire fonctionner efficacement l’entreprise. Le maintien des plus jeunes au sein de la Communauté s’impose parfois pour des raisons de productivité. Ce dilemme est certainement constitutif des conflits intergénérationnels observés dans la vie des Communautés.

LES CONFLITS AU SEIN DES COMMUNAUTÉS : DE ” L’ACTEUR BÂTISSEUR ” AU ” BÉNÉFICIAIRE CONSOMMATEUR ” : UNE TYPOLOGIE DES COMPAGNONS

L’idée de ” communauté” évoque l’image d’une corporation (celle des compagnons et des chiffonniers d’Emmaüs) regroupée autour de valeurs et de comportements communs. Or, nous faisons l’hypothèse que l’une des sources des tensions observées au sein des communautés est liée au profil des différentes générations destinées à cohabiter ensemble. L’évolution des parcours des uns et des autres fait émerger des contrastes marqués entre ceux que l’on pourrait considérer comme les anciens compagnons et ceux que l’on pourrait décrire comme des nouveaux pauvres, soit, en tendance, une différence entre des compagnons ” acteur bâtisseur ” et d’autres, plus récemment arrivés, de ” bénéficiaires consommateurs”. Notre conception de la génération se réfère prioritairement aux évènements et aux circonstances qui ont conduit les compagnons à intégrer la Communauté ainsi qu’à leur évolution subséquente. Il est vrai qu’il ne suffit pas à des individus de vivre en même temps un évènement identique pour former un ensemble homogène. Pourtant, le cas des Communautés laisse penser qu’il existerait différentes générations de compagnons entre les anciens qui ont intégré la Communauté il y a trente ans ou plus, et ceux qui l’ont intégré lors des récentes crises économiques. Les premiers ont intégré un ensemble de valeurs, des références liées au mouvement Emmaüs, vivant des expériences similaires à la fois hors et au sein de la Communauté, partageant un socle commun de règles communautaires qui conditionnent leur évolution professionnelle. Les seconds se réfèrent plus aux règles du Code du travail qui sont plus formelles que celles en vigueur dans la Communauté.

La typologie suivante permet d’exprimer les différences observées au sein des compagnons

  • Il y a les compagnons du type de George Legay, arrivés entre les années 1950 et 1965

 À l’origine, l’histoire du premier des compagnons, ” George Legay”, rappelle celle de Jean Valjean,   le héros des misérables de Victor Hugo. Après une jeunesse au sein d’un foyer divisé, vers 20 ans,       il est condamné au bagne à Cayenne pour le meurtre de son père. Après vingt ans, il est gracié   pour conduite héroïque lors d’un incendie. Il rentre en France, alcoolique, paludéen et tuberculeux,   il apprend que sa femme s’est remariée et sa fille ne le reconnaît pas. Il décide alors de se noyer (Brodiez, 2008). C’est alors qu’il rencontre l’abbé Pierre et qu’il devient compagnon d’Emmaüs. Plusieurs des premiers compagnons ont une histoire et un parcours institutionnel similaires : élevés dans des foyers sociaux, un parcours éducatif achevé très tôt, un passage par la délinquance juvénile et des compétences professionnelles limitées. Loïc Le Goff (2009 : p. 26) brosse des portraits très ” haut en couleur” de ces compagnons de la première heure. Ces individus ont passé la majeure partie       de leur vie dans des espaces collectifs : foyers sociaux, structures de la DDASS, familles nombreuses, la légion ou la coloniale, l’armée, la prison. Or, ce profil disparaît dans les années 1970 et 1980, remplacé par celui de nouveaux   pauvres.

  • La seconde génération, celle des années 1965-1980 : le début d’une nouvelle pauvreté.

 Pour ces compagnons, la période des Trente Glorieuses les a pourvus en opportunités d’emploi jusqu’en 1975. Ce ne sont plus alors les difficultés familiales ou l’expérience communautaire qui les définissent, mais des accidents personnels qui ont érodé leur sens de l’initiative et conduit à des addictions. Si les premiers compagnons sont souvent des marginaux, les seconds ont été exclus       du système. La modification des modes de production agricole et industriel, les crises pétrolières, la fin des Trente Glorieuses vont conduire au chômage structurel de masse. Aux modifications industrielles et économiques, s’ajoutent des transformations du socle familial (éclatement de la solidarité familiale) et une transformation de l’habitat (dorénavant massivement urbain). Les nouveaux pauvres connaissent le ” mal-vivre” et la difficulté de se socialiser en période de sous- emploi (Le Goff, 2009).

  • La troisième génération, celle des nouveaux pauvres entre les années 1980 et 1990

 La troisième génération succède très logiquement à la précédente sans trop de différence.   Dans les années 1980, le concept de ” nouveaux pauvres” désigne une catégorie de personnes fragilisées à la suite des mutations économiques, technologiques et sociales s’opérant dans la société. Les phénomènes engendrant cette ” nouvelle pauvreté” sont la multiplication des emplois précaires, la faible indemnisation de l’assurance chômage, les changements de configuration du tissu social, l’existence de personnes jeunes n’ayant jamais travaillé, l’instabilité familiale pouvant produire une désocialisation, des troubles psychologiques, des problèmes avec le travail, ou   des comportements d’atteinte à soi (alcoolisme, drogues, tentatives de suicide). Par exemple, John, 53 ans est un ancien compagnon qui a vécu dix ans dans la rue avant son intégration     en Communauté à Cambridge. Ancien chef d’entreprise, il devient alcoolique à la mort de sa femme, sombre dans la dépression et fait faillite. Dans la rue, il entend parler des communautés Emmaüs et décide ” de reprendre sa vie en main, avant qu’il ne soit trop tard”. Depuis qu’il a intégré la Communauté de Cambridge, il est devenu encadrant.

  • La quatrième génération, celle des ” nouveaux nouveaux ” pauvres des années 2000 et des indignés

Aujourd’hui, la crise a renouvelé l’identité du compagnon en deux profils différents :

  • Le compagnon victime de la crise. Des personnes très qualifiées (des seniors ingénieurs     au chômage) peuvent se retrouver en situation d’exclusion. Il y a aussi le phénomène       des travailleurs pauvres qui ne disposent pas de logement, soit à cause d’un niveau de rémunération trop faible, soit parce qu’ils n’ont pas de garanties suffisamment solides   pour obtenir un Il y a aussi les migrants qui ne sont plus seulement originaires d’Afrique et d’Asie mineure, mais d’autres pays européens avec un niveau élevé de qualification. Ceux-là s’engagent à Emmaüs comme ils s’engagent dans une entreprise ordinaire avec l’idée de rentabiliser cette période de leur vie, soit en épargnant, soit en se réinsérant. Aujourd’hui, la crise a renouvelé la réalité de la précarité. Des personnes très qualifiées comme Giosué de Murcia ou John de Cambridge peuvent se retrouver en situation d’exclusion. Le profil du compagnon a évolué, et les besoins des ” nouveaux nouveaux pauvres” ne correspondent déjà plus aux attentes des ” nouveaux pauvres” des années 1980. Ces nouveaux compagnons sont moins attachés à l’histoire du mouvement Emmaüs et ne se reconnaissent absolument pas dans la figure du premier compagnon.
  • Le compagnon qui s’oppose à la crise et à la société de consommation : à l’image des  ”indignés”, des ”enfants de Don Quichotte”, des ”occupy”, certains ont trouvé à Emmaüs une entreprise qui partage leurs valeurs. Ces compagnons sont écolos, anarchistes, militants de l’économie solidaire. Ceux-là se contentent de leur niveau de rémunération, investissant dans leur capital social, notamment via les réseaux solidaires et les manifestions sociales.

Il est possible de croiser cette typologie fondée sur les générations avec une autre qui repose sur l’exercice des métiers.

  • Les compagnons-chiffonniers (entre 40 ans et 20 ans d’ancienneté) : le métier originel

 Les premiers compagnons arrivés dans les communautés il y a plus de 40 ans sont maintenant retraités ou à l’approche de l’âge de la retraite mais restent très attachés à l’activité du chiffonnier. Cette activité va de pair avec celle de chineurs et de brocanteurs. Le chiffonnage (dans la rue) est différent du métier de chinage (achat de marchandise) et les chiffonniers se spécialisent dans la collecte des objets abandonnés dans la rue. Brodiez rappelle qu’en 1950 le métier de chiffonnier est progressivement interdit pour des raisons d’hygiène et d’insalubrité. La décision des compagnons d’Emmaüs de se faire chiffonniers est donc la dernière solution (Brodiez, 2008 : p. 27). Dès le début, le chiffonnage est un métier de la rue et une solution de survie adaptée à des personnes qui ont un faible niveau de qualification.

  • Les compagnons–professionnels du recyclage et de la valorisation des DEEE et d’objet sde seconde-main (souvent moins de 10 ans d’ancienneté) : les compagnons-techniciens de l’environnement

Les directives environnementales nationales et européennes ont fait évoluer le métier de chiffonnier vers celui de technicien de l’environnement. D’après nos observations, cette professionnalisation s’accompagne d’une volonté d’autonomie et d’indépendance, notamment dans le cas des communautés comme celles de Murcia qui perçoivent des subventions ou celles de Navarra qui   se sont très tôt tournées vers des modèles entrepreneuriaux de type ” entreprise sociale”. Ainsi, les subventions ou les appels d’offres locaux ont permis d’investir dans une ” flotte ” de camions équipés avec du matériel de manutention, de recyclage et de triage. Si cette activité modernisée nécessite évidemment des compétences plus élevées, l’évolution du métier va de pair avec un rajeunissement du profil du compagnon et une modification de l’origine de celui-ci (plus haut niveau de qualification).

Parmi les compagnons plus aptes à la professionnalisation, on retrouve surtout les jeunes qui ont entre 20 et 35 ans, écologistes pour certains ou avec un projet d’insertion. Mais il y a aussi des compagnons plus âgés, issus des ” nouveaux pauvres” des années 1980.

Le comportement des compagnons évolue de génération en génération de la logique de l’acteur- bâtisseur à celui du bénéficiaire consommateur. Les anciens compagnons sont extrêmement loyaux envers la Communauté et leurs responsables. Ils acceptent la politique salariale et ne veulent pas quitter la Communauté parce qu’ils sont fiers d’être compagnons. C’est notamment le cas des retraités du Plessis-Trévise ou de celui de Ian de Cambridge que nous abordons ultérieurement. D’autres ont développé des compétences et une certaine autorité dans le cadre de leur fonction:  ils sont en charge des bric-à-brac, de l’organisation des livraisons. L’acquisition des compétences se conjugue ici avec un engagement à l’égard de la communauté et de ses objectifs de redistribution.

Mais, dans d’autres cas, cette relation entre le travail et l’engagement devient problématique. L’effort requis ne semble pas à la hauteur des gratifications. Cela peut conduire à des irrégularités, certains compagnons en charge de boutiques accordant des passe-droits, des remises à certains clients, etc. À défaut de profiter des gains de leur productivité, certains détournent même à leur profit une partie des ressources. En raison du faible niveau de rémunération, des compagnons revendent de la marchandise volée dans les entrepôts pour améliorer leur condition de vie, voire organiser leur sortie. La logique qui se développe est alors celle du ” bénéficiaire-consommateur” qui cherche à maximiser son avantage avant d’envisager la nature de son engagement dans la Communauté.

Nos observations montrent que malgré une volonté d’empowerment de la part de l’organisation Emmaüs, le compagnon maîtrise mal sa trajectoire 3. En fait, les individus sont en tension entre leur dévouement à l’organisation et la poursuite de leurs intérêts personnels. Celui qui ne travaille pas est très vite exclu du groupe (M. Olson, 1971), et des concurrences apparaissent au niveau des postes- clés (chauffeur, menuiserie, électricité, etc.). De plus, à l’instar du jeune qui intègre une nouvelle entreprise, le nouveau compagnon (quel que soit l’âge) doit s’adapter à une culture ancienne     et s’habituer à la vie ” à la dure”. Les nouveaux cherchent un hébergement mais aussi un emploi stable rémunéré à la hauteur de leur contribution. Cette tension prend la forme d’une distinction intergénérationnelle mais dépend avant tout des conditions d’insertion de chacun dans la vie communautaire.

DES TENSIONS INTERGÉNÉRATIONNELLES LIÉES À UNE MAUVAISE GESTION DES TRAJECTOIRES PERSONNELLES ET PROFESSIONNELLES

  • Un sentiment d’injustice au sein de l’organisation communautaire ?

 Une part importante des tensions entre les générations de compagnons est due au fait que la Communauté échoue à prendre en charge la diversité de leurs intérêts individuels. Cette situation participe de la montée d’un sentiment d’injustice au sein de certaines Communautés. À notre sens, le recours à une théorie de la justice telle que le défend John Rawls (1987) devrait s’imposer pour rationnaliser la participation des individus en fonction de leurs intérêts et permettre l’égalité d’accès de tous aux avantages procurés par l’organisation. Pour le moment, il n’en est pas ainsi et cette situation génère de nombreuses tensions.

Certains compagnons sont très heureux de leur situation tant qu’ils restent au sein de la Communauté. C’est le profil des compagnons avec une ancienneté importante. D’autres n’attendent pas la charité mais simplement une aide à l’insertion. Or, l’absence de prise en charge de ces attentes de nature très différente, par l’organisation, empêche la constitution de véritables parcours professionnels. C’est le cas, par exemple, de Valérie, 43 ans et de Fadwa, 28 ans. Valérie, compagne au Plessis- Trévise depuis 2005, explique qu’elle a réalisé des démarches d’insertion par elle-même en dehors du dispositif communautaire. Son souhait est de trouver un travail. Fadwa, compagne à la communauté depuis 8 ans, va plus loin et propose une explication : ” Il y a un manque dans l’accompagnement. On essaie de te garder et au contraire quand t’as trouvé du boulot, t’as que trois mois. Et après tu ne fais plus partie de la Communauté”. Pour elles, les formations dispensées par Emmaüs France ne servent pas à l’extérieur et sont utiles uniquement pour le travail à la Communauté. En fait, réinsérer un compagnon, c’est prendre le risque de laisser partir un travailleur qui a développé des compétences et une certaine autonomie dans son poste.

À l’inverse du modèle français, le dispositif espagnol (tel qu’à Emaús Murcia) est basé sur un itinéraire d’insertion en 10 étapes jusqu’à la sortie de la Communauté. Ce parcours n’empêche pas certaines tensions et frustrations : par exemple, Giosué est un compagnon italien de 59 ans, ancien professeur dans un lycée technique pendant 15 ans en Italie. Il parle 4 langues et a travaillé dans plusieurs Communautés en Europe. Pour lui, ” la formation ne sert qu’à justifier les subventions”. Giosué a intégré la Communauté de Murcia grâce à une allocation de type A en attendant que son statut d’allocataire se transforme en contrat d’insertion. Sa rémunération est de 512,46   mensuels. En fonction de ces compétences, Giosué est le supérieur hiérarchique d’Antonio, un ancien jardinier, senior de plus de 45 ans. Antonio est espagnol et a intégré la Communauté en contrat d’insertion, il touche donc 763 mensuels. Ainsi, ces deux compagnons seniors de plus de 45 ans se retrouvent dans une situation paradoxale, alors que le chef d’équipe, plus compétent, touche une rémunération moindre que son équipier, parce qu’ils ont des profils de bénéficiaires différents. Malgré leur bonne entente, pour Giosué, cette situation est injuste.

  • Trajectoire professionnelle et identité au sein des Communautés

 À la différence du Plessis-Trévise, les compagnons espagnols de Navarra sont en majorité dans   la structure depuis moins de 5 ans (67%), alors que les deux Communautés ont plus de trente ans d’existence. La proportion des travailleurs de moins de 5 ans d’ancienneté dans une structure trentenaire est signe de vitalité et de réinsertion réussie.

Tableau 2 : Répartition des communautaires selon l’ancienneté à Navarra et au Plésssis-Trévise

 Répartition en nombre d’individus selon l’ancienneté

 

Navarra

 

Le Plessis-Trévise

Moins de 5ans 67 15
De 5 à 10ans 15 10
Plus de 10 ans 18 9

Sources : Emaús Navarra 2008

 

Les jeunes compagnons espagnols se considèrent avant tout comme des traperos, des chiffonniers     ou des techniciens de l’environnement. Les jeunes sont ” des écolos qui refusent la société de consommation”. Le directeur et fondateur d’Emús Navarra considère qu’ils sont les descendants     des chiffonniers. L’adoption du métier de chiffonnier par les compagnons d’Emmaüs en janvier 1952 réactive une pratique professionnelle en déshérence qui avait vu ses beaux jours au 19e siècle” (Brodiez-Dolino, 2008 : p. 24). C’est en Espagne que cette identité est la plus forte. Elle favorise la cohésion de l’ensemble du groupe quel que soit le statut. Pour le directeur, cette évolution du chiffonnier vers celledutechnicienpermetlaprofessionnalisationet l’aplanissementdesdifférencesde profil. Le cas de l’Espagne est intéressant car en renouvelant l’identité du travailleur communautaire, passant ainsi de l’identité corporatiste du compagnon d’Emmaüs à celle du trapero-chiffonnier/ travailleur écolo, l’âge n’est plus le critère crucial de l’intégration des personnes et l’arbitre des formes d’action des individus : si l’image du compagnon renvoie à celle du travailleur pauvre ou de   la personne en risque d’exclusion, qui a donc des besoins d’hébergement, de formation, d’insertion   à satisfaire, celle du ” Trapero” rapproche plutôt de celle de l’activiste et du militant.

A contrario, les retraités, notamment ceux provenant des communautés françaises, reflètent assez bien l’idée de l’ancien compagnon, dévoué à leur communauté. Évidemment, à l’heure de la retraite, celle-ci remplit leur besoin le plus essentiel, à savoir un endroit où vivre, notamment parce que leur cotisation et leur faible rémunération de compagnon ne leur permettent pas de s’offrir une retraite confortable 4. Ainsi la Communauté du Plessis-Trévise compte de nombreux exemples : Liliane, 67 ans et Madeleine, 77 ans, les deux plus anciennes compagnes entrées en Communauté respectivement depuis 1974 et 1978. Elles vivent depuis lors à la Communauté et participent par les petites tâches quotidiennes. Jean, 66 ans, à la Communauté depuis 2000, est retraité depuis 2003. Il travaille toujours à l’accueil téléphonique. Une tâche qu’il partage avec Ernest, 60 ans. Franklin, 65 ans, à la Communauté depuis 2007, est retraité depuis 2008. Il ne participe à aucune tâche. Pour cette raison, il est peu apprécié. C’est un ancien comptable qui dit travailler à l’extérieur dans une maison de production de vidéo.

CONCLUSION

Les tensions intergénérationnelles au sein des Communautés Emmaüs relèvent de deux dimensions : l’âge (entre jeunes et seniors) mais surtout les statuts différents entre anciens et nouveaux travailleurs pauvres. En tant que structures hybrides d’entreprises de réinsertion mais aussi de lieux de vie, voire de retraite, les Communautés Emmaüs, ne sont pas des entreprises assimilables aux entreprises dites classiques, uniquement lieux de production et de travail. L’encadrement communautaire repose souvent sur une distinction entre une vision charitable solidaire, une vision administrative et sociale et une vision économique et professionnelle. Cette situation crée une tension récurrente entre ces trois modes d’intégration. L’un des phénomènes les plus criants dans les Communautés est celui de la dépendance institutionnelle. Dans certains cas, l’intervention sociale et la gestion de la pauvreté à Emmaüs favorisent voire renforcent la dépendance institutionnelle du compagnon. Pour garantir la satisfaction des besoins sociaux d’une population en risque d’exclusion, il est préconisé d’inciter à l’exercice ou à la poursuite d’une activité productive en adoptant des mesures propres à rompre le cycle de dépendance de cette population à l’égard des aides apportées. Dans le cas contraire, cela conduit à des phénomènes de dépendance. Pourtant, les Communautés vivent du travail des compagnons et la poursuite de la réinsertion peut entrer en contradiction avec les besoins productifs.

L’absence d’une sécurisation précise des parcours de vie et des parcours professionnels souligne également l’échec des Communautés en tant que marchés transitionnels de l’emploi (B. Gazier, 2005). Cet échec est la source des conflits intergénérationnels parce que le vieillissement entraîne des degrés divers de dépendances institutionnelles. De même, la présence au sein de la même communauté d’anciens compagnons et de nouveaux pauvres, voire de ”nouveaux” nouveaux pauvres aux intérêts divers conduit à des désaccords quant aux objectifs collectifs. Il en résulte des tensions qui peinent à être résorbées dans un système parfois injuste aux yeux de ceux qui le font fonctionner.

Notes

  1. En 2012, l’objectif de la campagne ” Année européenne du vieillissement actif – Promouvoir la solidarité intergénérationnelle ” est d’encourager les travailleurs âgés à rester en emploi plus longtemps, grâce à l’amélioration des conditions de travail (Vendramin et Valenduc, 2012).
  2. En Espagne EMMAÜS se traduit par EMAÚS.
  3. En Mai 2011, Emmaüs Europe lance une campagne de réflexion sur l’empowerment dans les Communautés afin de renforcer la participation des compagnons au développement de celles-ci. L’empowerment désigne la maîtrise que l’individu peut avoir sur sa propre vie (Lebossé, 2003). Il serait un outil favorable à la réduction des conflits intergénérationnels en permettant une motivation intrinsèque et une attitude pro-active. L’efficacité de cette mesure doit encore faire l’objet d’une évaluation.
  4. Pour chacun des compagnons (y compris les sans-papiers), la Communauté du Plessis-Trévise verse les cotisations sociales sur la base forfaitaire de 40% du taux horaire du SMIC (soit au 1er juillet 2004, 7,61*40%=3,04 /h. Le nombre d’heures a été réparti sur une base de 169 h/mois.

Bibliographie

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